Tetsuya Tsutsui est un mangaka qui gagnerait à ce qu’on s’intéresse plus à son travail. De Duds Hunt (publié en 2006) à Prophecy The Copycat (publié depuis septembre 2016), de l’eau a coulé sous les ponts. Je m’attaque aujourd’hui à Poison City, une série courte en deux volumes qui met en avant le thème de la censure. Les origines de la création de Poison City vienne d’ailleurs du fait que Manhole, l’une des précédentes œuvres de Tetsuya Tsutsui fut censurée dans le département de Nagasaki au Japon, sans qu’il n’ait été mis au courant: Manhole avait été qualifié d’oeuvre nocive « incitant à la violence et à la cruauté chez les jeunes ». En faisant appel de cette décision, Tsutui a pu s’apercevoir des conditions dans lesquelles les œuvres sont analysés par un comité qui n’a pas les compétences requises pour les juger, puisque que l’on apprend que Manhole a été classé nocif non pas rapport aux thèmes abordés mais seulement sur son aspect visuel (a savoir que seulement l’un des trois tomes de la série était interdit à la vente dans le département de Nagasaki).
C’est donc d’abord en collaboration avec l’éditeur français Ki-oon que débute Poison City que la Shueisha récupérera très vite en 2014 (a savoir que les tomes reliés sont d’abord sortie en France et ensuite au Japon).
Tokyo, 2019. À moins d’un an de l’ouverture des Jeux olympiques, le Japon est bien décidé à faire place nette afin de recevoir les athlètes du monde entier. Une vague de puritanisme exacerbé s’abat sur tout le pays, cristallisée par la multiplication de mouvements autoproclamés de vigilance citoyenne. Littérature, cinéma, jeu vidéo, bande dessinée : aucun mode d’expression n’est épargné.
C’est dans ce climat suffocant que Mikio Hibino, jeune auteur de 32 ans, se lance un peu naïvement dans la publication d’un manga d’horreur ultra-réaliste, Dark Walker. Une démarche aux conséquences funestes qui va précipiter l’auteur et son éditeur dans l’œil du cyclone…
Poison City est loin de ressembler aux mangas que je lis habituellement, ce manga véhicule un message qui est très clair sans pour autant être ennuyant. Pour cela, Tetsuya Tsutsui met en avant le jeune mangaka Mikio Hibino, ayant peu d’expérience qui va découvrir la publication avec son éditeur. Hibino comprend tout de suite que publié son manga tel qu’il l’imagine va être compliqué, il s’agit de Dark Walker un manga où un virus à transformer la population en zombie et son héros détient peut-être la clé du salut de l’humanité… Hibino va devoir faire des concessions sur la violence, le thème abordé s’il ne veut pas que son oeuvre soit qualifiée de nocive (synonyme de mise à mort puisque personne ne vendrait d’oeuvre dites nocives). On observera donc Hibino s’arracher les cheveux dans un premier temps jusqu’à ce qu’il s’aperçoit que s’autocensurer dénature complètement son oeuvre. Tetsuya Tsutui fait aussi un parallèle avec ce qu’il s’est passé aux Etats-Unies autour du comics avec le Comics Code Authority instauré dans les années 50.
Hibino prendra finalement le parti de garder son oeuvre tel qu’il la imaginée, car céder à le censure, c’est s’autodétruire. Il est tout aussi intéressant de découvrir que l’instance qui statue sur la degré de nocivité des œuvres ne tient pas compte des idées véhiculés. Cela passe d’abord par un procédé mécanique qui sélectionne les œuvres selon, le nombre de scène nocive: un jeune avec une cigarette à la main, une jeune fille dans une position lacive, un visage ensanglanté… Le plus troublant dans cela reste la crédibilité de toute l’histoire, on se dit que finalement ce qui arrive à Hibino pourrait arriver dans un futur plus ou moins proches.
Quoi qu’il en soit, la lecture des deux tomes de Poison City fut une excellente expérience, elle sonne comme une piqûre de rappel face à la censure et sur le fait de rester vigilant. Pour autant, Poison City n’est pas qu’un message, il s’agit d’un bon manga d’un auteur aura su mélangé un sujet sérieux dans une histoire agréable à suivre.